Origine et signification du patronyme
Mégard
ou Migard

Plusieurs branches

Les premières mentions de ce nom à Bardonnex dans la campagne genevoise nous sont parvenues grâce aux comptes de 1325 à 1350 du châtelain de Ternier (château proche de Saint-Julien)[1]. Megardo figure trois fois dans ces comptes en latin, entre 1333 et 1349. Les hoirs de amedei migardi (Amédée Mégard) sont mentionnés dans les comptes de subside de Ternier de 1361-1362[2]. La famille est présente dans ce village jusqu’au XIXème siècle.

On trouve des Migard à Annecy dès le XVème siècle, ils sont peut-être liés aux Mégard de Bardonnex.

D’autres branches attestées dès le XVIIème siècles ont leurs racines à Saint-Amour (dans le Jura) et à Bosc-le-Hard (près de Rouen, Seine-Maritime). La branche de Saint-Amour vient peut-être de Bardonnex, car la ville a été détruite au début du XVIIème puis reconstruite, au moment où des habitants quittaient Bardonnex face à la recatholicisation, la disette et la guerre. La branche de Bosc-le-Hard est vraisemblablement d’une autre souche.

Origine du nom

Parmi les personnes de Bardonnex citées dans les comptes du châtelain de Ternier, on trouve un mélange de noms de baptêmes (Aymon, Amédée, Alexis, Rolet, Petro, Marie, Agneleta, Girard, Hugues, Perrod, etc.) et de prénoms associés à un nom de famille (Perret Chapuys, Anserme Brandon, Aymonet Chinronet, Girondet Babel …)

À cette époque, les noms de famille ne sont pas encore bien fixés. Megardo peut donc aussi bien être compris comme un nom de baptême. Il vient vraisemblablement du prénom féminin d’origine germanique Ermengarde, vieux français Ermengard.

Du IXème au XIIème siècles, on trouve toute une série de femmes nobles portant ce prénom, en particulier Ermengarde de Bourgogne née vers 873, Ermengarde de Chalon née vers 910. Le roi de Bourgogne Rodolphe III épouse en 1011 Ermengarde, une proche parente du comte Humbert. C’est donc un prénom « à la mode ». On lit aussi parfois Hermengarde.

Parmi les ouvrages spécialisés[3], Dauzat et Morlet proposent une série de patronymes dérivant de Ermengard : Mengard, Menjard, Mingard, Minjard, Mingeard et leurs diminutifs.

Ils indiquent mesgarder (ancien français) comme origine du nom Mégard, avec l’interprétation « homme méfiant ». Cependant cette explication ne tient pas pour une région où l’on parlait le savoyard et non l’ancien français. Cette interprétation convient cependant pour la branche de Bosc-le-Hard.

Par ailleurs les ouvrages français ignorent superbement les patronymes Suisses romands : les Herminjard et Hermingeard (dès 1441 à Corsier, Vaud), les Hermenjat, sont des noms connus. Parmi leurs variantes et dérivés : Mingard (dès 1543, fréquent) et Mingeard, Megeard, Mejard.

Une étude vaudoise (Penseyres), donne pour Mingard la racine en vieux fran¨ais Ermengard et le prénom germanique Maginward, «gardien de la terre». Le même fait dériver Herminjard du germanique Hermengard, Hermengaut, «gardien de la force».

Nous avons un exemple de mutation du nom (dans le canton de Vaud) : Abraham Hermingeard se marie à Corsier en 1701. Il aura 9 enfants nommés Megeard ou Mejard au registre des naissances, dont Marie Esther née en 1717. Elle se marie en 1759 et est nommée Mégard en 1761 et 1763 lors de la naissance de ses enfants à Palézieux. D’autre part un Jean David Megeard ou Mégard se marie en 1753 à Corsier[4]. Ces familles ne feront pas souche, au moins avec cette orthographe Mégard.

L’origine Ermengarde semble la plus probable.

Signification de Ermengarde

D’après Morlet, Ermengarde vient de : ermen- qui se rattache au gothique *aimana, *airmina, vieux haut allemand erman, immense, et –gard, gothique gardis, enclos, maison.

Drosdowski rattache Ermengard à Irmgard, Irmingard, ancien prénom féminin allemand. Avec irmin-, «groß, allumfassend» signifiant grand, universel. Et –gard ayant une origine incertaine, peut-être de l’ancien nom de femme vieil islandais Gerdr, la protectrice, de gerd «Umfriedung, Einhegung» ou gardr «Zaun» (clôture, enclos).

Autres explications

Comme déjà dit, on trouve d’habitude mesgarder (ancien français) comme origine du nom Mégard, avec l’interprétation «homme méfiant».

Le savoyard Marteaux propose pour Migard, avec doute, miga «mie», comme un sobriquet évoquant la misère, la malchance.

Un autre savoyard, Fenouillet, propose une origine germanique avec magaldus, forme latine de mag wald.

Un correspondant signale le patronyme Dieumegarde en Charente-Maritime et Vendée.

Variantes orthographiques

Sur un même acte de 1576 (la Gabelle du sel[5]), on trouve à la suite les orthographes suivantes : migar, migard, megard, megar.

Le notaire Aimé Babel, un voisin habitant lui aussi Bardonnex, écrit toujours Migard dans ses actes du XVIème siècle. Un autre notaire de la même famille, Philibert Babel, écrit toujours Migal, au XVIIème siècle.

Les familles d’Annecy et de Grenoble figurent toujours sous la graphie Migard.

Autres orthographes rencontrées, plus rarement, aux XVIIème et XVIIIème siècles : Mégart, Mégars, Méguard, Mégar, Méjar, Mégat, Méga, Méja, Mégeat, Mygard, Migar, Mygar, Mugard.

 

(décembre 2003)

 



[1] Michèle Dubois : La Châtellenie de Ternier d’après les comptes de châtellenie de 1325 à 1350 (mémoire de maîtrise, Université Jean Moulin, Lyon III, Faculté des lettres et civilisations).

[2] Subside Ternier 1361-1362, Archives départementales de Haute-Savoie, SA/Châtellenie Charousse/Carton 11 (subside 1361).

[3] Voir les ouvrages de :
A. Dauzat : Traité d’anthroponymie française (1977) Noms et prénoms de France (1980),
Marie-Thèrèse Morlet :
Dictionnaire étymologique des noms de famille (1991),
F. Fenouillet :
Noms de famille en Savoie (1919),
Charles Marteaux :
Etude sur les anciens noms familiaux d’Annecy et de ses environs (1944),
Günther Drowsdowski :
Lexikon der Vornamen – Herkunft, Bedeutung und Gebrauch von mehreren tausend Vornamen (1974),
ainsi que l’étude sur les patronymes vaudois sur le site de la famille vaudoise Penseyres, www.planetair.ch/penseyres.

[4] Archives cantonales vaudoises : Etat-civil : Eb/34/2,4 ; Eb/100.

[5] Dénombrement des feux de Ternier et Gaillard fait en l’an 1576, Archives départementales de Savoie, SA 2029.